Retour aux actualités
Article précédent

Enquête sur les pratiques politiques des normaliens et normaliennes

Information de l'Ecole

-

03/06/2025

Une nouvelle enquête sociologique met en lumière un paradoxe qui pourrait parler à beaucoup de normaliens et d’alumni : très engagés dans leurs parcours, prudents dans leurs prises de parole publiques. Intitulée « Des normaliens très engagés hors ligne, plus silencieux en ligne », l’étude menée par Baptiste Coulmont (ISP), Leïla Fardeau (ISP et INED) et Marion Michel (IDHES), s’appuie sur 245 questionnaires remplis par des étudiant·es de l’École, comparés à plus de 5 800 réponses d’étudiant·es d’autres universités.     

Une jeunesse très connectée… mais discrète    

À l’heure où les réseaux sociaux sont devenus une arène incontournable pour l’expression des opinions, l’enquête révèle un trait marquant : les normalien·nes y prennent peu la parole sur les sujets d’actualité. Bien que 99 % soient présents sur au moins une plateforme, seuls 11 % utilisent TikTok, et leurs réactions aux grands débats sociétaux (violences sexuelles, enjeux climatiques, conflits internationaux…) sont systématiquement inférieures à celles des étudiant·es d’autres établissements, parfois de plus de 20 points.  

Une prudence cultivée dans un environnement socialement distinctif    

Les auteurs avancent plusieurs explications. L’origine sociale plus favorisée, la formation scientifique majoritaire, une forte présence masculine, mais surtout une sociabilité intense et structurante au sein de l’École : cette vie collective rend plus délicate l’exposition d’opinions potentiellement clivantes. À l’ENS Paris-Saclay, le débat a lieu, mais hors ligne — dans les couloirs, les associations, les soirées électorales en famille. La majorité des normalien·nes ne voient aucun problème à avoir des amis de sensibilité politique différente, ce qui les distingue encore des étudiants des universités comparées.     

Une norme implicite de discrétion    

Plus qu’un désintérêt, c’est une forme de retenue qui s’exprime : un désir de préserver une image professionnelle, de « séparer les publics », ou de ne pas se livrer dans des arènes numériques jugées trop bruyantes ou trop peu légitimes. Ce souci de distinction se manifeste aussi dans les réseaux utilisés : les normaliens privilégient WhatsApp et LinkedIn, loin des logiques de buzz ou de viralité.     

Une école où l’engagement prend d’autres formes    

Fait marquant : l’intensité de la vie associative. Plus d’un normalien·ne sur deux est membre d’une association, sportive, artistique, syndicale ou solidaire — des niveaux d’engagement bien supérieurs à ceux observés ailleurs. C’est peut-être là que réside le cœur de l’engagement normalien : dans l’action collective concrète, au quotidien, plus que dans l’expression individuelle en ligne.    

👉 Lire l’étude complète dans la collection Documents Études Recherches SHS :    
Numéro 3 – Juin 2025 – PDF : https://saclaydc.hypotheses.org/files/2025/06/2025_03_documents_etudes_recherches_shs.pdf

👉 Lire la synthèse de Baptiste Coulmont : https://coulmont.com/blog/2025/06/02/normalien-reseau/  


Entretien avec Baptiste Coulmont     

L’enquête « Des normaliens très engagés hors ligne, plus silencieux en ligne » a été menée sous la coordination de Baptiste Coulmont, sociologue, professeur à l’Institut des sciences sociales du politique (ISP, CNRS, ENS Paris-Saclay, Université Paris-Nanterre). Il explore ici, aux côtés de Leïla Fardeau et Marion Michel, les formes d’engagement des étudiant·es de l’ENS Paris-Saclay comparées à celles d’universitaires d’autres établissements. Cette enquête s'insère dans un projet pédagogique qui a reçu le soutien financier de l'Université Paris-Saclay, une démarche innovante qui place les étudiant·es au cœur de la recherche en sciences sociales. Interview.      

Vous soulignez que les normaliens sont très engagés hors ligne, mais plus discrets en ligne. Est-ce une spécificité normalienne ou retrouve-t-on ce phénomène dans d’autres formations sélectives ?     

Les autres enquêtes disponibles sur les usages des réseaux sociaux, qui ont pu interroger des étudiants et étudiantes de formations sélectives, soulignent au contraire leur engagement en ligne. Mais elles ont quelques années et on observe peut-être un changement. 

Dans votre enquête, la sociabilité intense à l’ENS Paris-Saclay semble jouer un rôle central dans cette retenue numérique. Peut-on dire que le “groupe” pèse davantage que l’individu dans la culture normalienne ? 

Nous avions posé quelques questions sur les appartenances associatives des étudiants, et les normaliens et normaliennes sont beaucoup plus souvent membres d'associations (sportives, étudiantes...) que les étudiants universitaires. La fréquentation de personnes aux opinions politiques diverses a peut-être pour conséquence de limiter les manifestations les plus rapides, sur les réseaux. Mais c'est une hypothèse à creuser encore : centrée sur les réseaux socionumériques, l'enquête ETUPOL n'avait pas beaucoup de question sur la sociabilité étudiantes. 

Certaines institutions valorisent aujourd’hui l’engagement en ligne comme un indicateur de responsabilité sociale. Pensez-vous que la prudence des normaliens pourrait les desservir dans le monde professionnel ? 

Probablement pas. Les normaliens et normaliennes ont déclaré plus souvent que les autres étudiants être inscrits sur LinkedIn... et beaucoup moins souvent sur TikTok, signe qu'ils et elles associent leur présence en ligne à leur image professionnelle. 

Votre enquête montre que les enjeux climatiques font exception : normaliens et universitaires y réagissent de façon similaire. Que révèle cette convergence ? 

Oui, quand on leur demande s'ils ont réagit en ligne à des actualités (comme les actualités concernant les VSS, les élections...) seuls les enjeux climatiques suscitent le même niveau de réaction en ligne. C'est peut-être un effet de structure (les normaliens sont plus fréquemment que les étudiants dans des cursus directement impactés par ces enjeux : sciences de l'ingénieur, génie civil...), ou un effet de la politique de sensibilisation quotidienne de l'École. 

À l’issue de cette recherche, recommanderiez-vous que l’École accompagne davantage ses étudiant·es sur les usages des réseaux sociaux, notamment dans une perspective professionnelle ou citoyenne ? 

Oui, ça peut être utile. Mais en prenant comme point de départ non pas les risques de réactions trop vives en ligne, mais les usages concrets des normaliens et normaliennes : avoir un compte "professionnel" à son nom, et un compte "pseudonyme", avoir un compte "silencieux" (uniquement pour avoir accès au partage d'informations) et un compte "actif"...

Commentaires0

Veuillez vous connecter pour lire ou ajouter un commentaire

Articles suggérés

Information de l'Ecole

La campagne de répartition du solde de la taxe d’apprentissage 2025 est ouverte

photo de profil d'un membre

Sabrina TITAUD

26 mai

Information de l'Ecole

Appel à participation « Baromètre Expatriation des Talents » d'Ipsos France

photo de profil d'un membre

Camille BELMONTE BAVIERA

23 avril

Information de l'Ecole

Nominations à l'Institut Universitaire de France

photo de profil d'un membre

Véronique RAOULT SÉVÉRAC

02 octobre