Retour aux actualités
Article précédent

Anne-Isabelle Etienvre : une normalienne à la tête du CEA

Témoignages

-

08/12/2025

L’entrée d’Anne-Isabelle Etienvre à l’ENS Paris-Saclay en 1998 marque le début de sa brillante carrière, qui correspond en tous points, selon elle, à « l’ ADN de l’École : l’alliance de la recherche et de l’enseignement, le couplage avec l’université en font une institution absolument unique, affirme-t-elle. La taille des promotionsaussipermet d'avoir une dimension humaine et un esprit d'équipe très fort ». Elle passe son agrégation de sciences physiques en 1999, puis enchaîne un Master 2 avec un doctorat en physique des particules au Laboratoire des 2 infinis Irène Joliot Curie (IJCLab) à Orsay, en tant qu’allocataire moniteur normalien. Elle est recrutée au CEA, sur le centre de Paris-Saclay, immédiatement après l'obtention de son doctorat.

En parallèle de sa carrière scientifique, Anne-Isabelle Etienvre prend rapidement des responsabilités managériales au sein du CEA : de 2014 à 2016 elle dirige le Service de physique des particules puis l’Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu) de 2016 à 2022. A cette date, elle est nommée conseillère recherche auprès de Sylvie Retailleau, Ministre chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche, une expérience qu’elle juge « très formatrice et extrêmement utile pour comprendre les mécanismes de décision », avant de revenir un an plus tard au CEA prendre la direction de la recherche fondamentale. En 2025, elle est nommée administratrice générale du CEA par le président de la République.[1]

 

De la recherche à l’industrie

« Le CEA a un rôle singulier : celui d'être au service à la fois de la recherche académique et de l'industrie française, expose Anne-Isabelle Etienvre. La feuille de route donnée par l’État à la normalienne débute par la relance de l’énergie nucléaire en France, un enjeu majeur. « De la prolongation du parc à la fermeture du cycle du combustibles, le CEA renoue avec son activité historique ». En parallèle, l’organisme poursuit les recherches sur les énergies décarbonées et se mobilise sur le domaine du numérique, avec un effort conséquent dans la microélectronique. « L’objectif est de disposer de lignes de composants pour les besoins industriels européens[2] dans un contexte très tendu de concurrence internationale. L'accueil imminent d'une des deux machines « exascale » europénnes dans l'Essonne est une autre illustration des enjeux actuels. Le CEA s'engage également sur l'IA native en tant que science pour son utilisation pour la recherche, et sur l'IA générative, pour ses propres métiers. Concernant le domaine de la santé, l’action du CEA se concentre sur des « lignes de force très technologiques », héritées de son histoire en médecine nucléaire : l'imagerie — illustrée par l'IRM Iseult, « la plus puissante au monde »— le diagnostic et le numérique en santé pour l'oncologie ou les maladies neurologiques. « L'idée est d'aller de la recherche jusqu'à la filière industrielle en se couplant au monde clinique, un objectif matérialisé par un accord-cadre avec l’AP-HP », affirme Anne-Isabelle Etienvre. Enfin, « il est essentiel de conserver une recherche fondamentale d’excellence concentrée sur nos disciplines de cœur, utiles aux programmes transversaux du CEA »

 

La place des femmes en sciences

Évoluant dans un environnement plutôt masculin, Anne-Isabelle Etienvre confie que cela n’a jamais été un frein. « La physique comme l'ingénierie demeurent peu féminines, concède-t-elle. Mais j’ai eu la chance d'être entourée de personnes qui m'ont très tôt encouragée. Pour autant, lorsque j'ai pris mes fonctions au CEA, j’ai reçu des messages de femmes de toutes générations et de tous profils qui m’ont fait prendre conscience que ma nomination était un signal pour elles : celui d’aller de l’avant. » 

La normalienne regrette cette forme d’autocensure chez les jeunes filles qui les empêchent de venir vers les sciences, un phénomène qui commence, selon elle, dès l'école primaire. « Je pense que nous avons besoin aujourd'hui de tous les talents ! Outre leurs compétences intrinsèques, les femmes apportent une sensibilité complémentaire nécessaire pour relever les défis majeurs de notre société ». Le monde de la recherche doit prendre ses responsabilités et y consacrer du temps. « Par exemple en donnant envie aux jeunes de venir tester notre métier de chercheur/chercheuse, d'ingénieur.e, ou de technicien.ne.  A ce propos, elle trouve « formidable » de voir l’ENS Paris-Saclay assumer pleinement cette mission auprès de toutes les générations. « En véhiculant une image d'excellence académique, l'École joue un rôle important pour inspirer des vocations scientifiques ». 

 

Faire naître les pépites qui feront les ruptures de demain

Né à Saclay il y a 80 ans, le CEA participe également à l’excellence de son écosystème qui allie écoles d'ingénieurs, universités, organismes de recherche et partenaires industriels, tout en favorisant les passerelles entre des profils très divers. Rappelant avec fierté que le Prix Nobel de physique 2025 a été attribué à un chercheur formé au CEA, Michel Devoret, Anne-Isabelle Etienvre, souligne l’importance, tant pour l’ENS Paris-Saclay que pour son organisme, du « compagnonnage » entre anciens et nouveaux, « indispensable pour faire naître les pépites qui feront les ruptures de demain ». « De ce point de vue, nous ne manquons pas de beaux projets à proposer aux normaliens qui ont toute leur place au CEA ». 

 

La science, ce bien commun

Plus globalement, Anne-Isabelle insiste sur la nécessaire vigilance collective face à une parole scientifique sans cesse questionnée. Dans ce contexte, avoir nommé une scientifique à la tête du CEA prend tout son sens. « Il est du devoir des chercheurs d’expliquer la démarche scientifique : ses succès et ses échecs, tout ce qui fait la vie d'un chercheur. Lors de mes auditions pour le poste d’administratrice générale du CEA, j'ai toujours affirmé que ce travail de démystification auprès des citoyens était important pour moi. J’ai à cœur de les rendre acteurs de nos recherches ». Une démarche qui passe par un travail continu avec les médias et par les programmes « Sciences et société », notamment. « La science est un bien commun qui appartient à tout le monde », conclut-elle.

 

[1] Conseil des ministres du vendredi 11 juillet 2025

[2] Notamment via le projet Chips Act Fames à Grenoble

  • Alumni
  • Témoignage
  • Physique
Retours aux actualités

Commentaires0

Veuillez vous connecter pour lire ou ajouter un commentaire

Articles suggérés

Témoignages

Vianney Baudeu, un normalien au service de l'indépendance du pluralisme des médias

SD

Sophie DOTARO

17 novembre

Témoignages

Erwin Idoux : la science au service du bien commun

SD

Sophie DOTARO

03 novembre

Témoignages

Normalienne, un atout pour l’entreprise. Charlotte Vandeputte, Managing Partner des activités Audit & Assurance pour le secteur financier

SD

Sophie DOTARO

30 juillet