Oussama Boussif, diplômé du Master MVA (Mathématiques, Vision, Apprentissage) de l'École normale supérieure Paris-Saclay, est doctorant à Mila - Institut québécois d'intelligence artificielle depuis janvier 2023.
Vous avez étudié à CentraleSupélec, puis suivi le master MVA à l'ENS Paris-Saclay. Quel alumni êtes-vous ?
N’ayant fait qu’une année de master 2 à l’ENS Paris-Saclay, je ne pensais pas bénéficier du statut d’alumni. C’est une bonne surprise. Je pensais que c’était réservé aux normaliens qui suivent le cursus de 4 ans. Pendant mon master, je n’ai d’ailleurs quasiment pas mis les pieds à l’ENS car avec la pandémie la plupart des cours étaient à distance. Avant j’ai fait une prépa au Lydex : LYCÉE D’EXCELLENCE DE BENGUERIR au Maroc, puis j’ai intégré CentraleSupélec. Au départ, j’étais intéressé par la recherche en physique et puis je me suis dirigé vers l’intelligence artificielle. Comme j’ai toujours voulu me diriger vers la recherche, l’ENS c’était le graal.
Vous avez choisi de partir à l’étranger pour votre thèse. Pourquoi ?
Le master MVA m’a permis de poursuivre en thèse au MILA qui rassemble plus de 1000 chercheurs. Nous travaillons dans les domaines de la santé, de l’environnement et sur le changement climatique, ainsi que sur l’éthique de l’IA. Le laboratoire a été fondé par le professeur Yoshua Bengio, l’un des précurseurs de l’apprentissage profond à l’Université de Montréal. Grâce aux premiers résultats les financements sont arrivés assez rapidement et les équipes ont été renforcées. MILA est aujourd’hui une organisation à but non lucratif avec d’importantes collaborations universitaires avec l’ Université de Montréal, McGill University, Polytechnique Montréal et HEC Montréal, et aussi de nombreuses entreprises partenaires. MILA accueille des étudiants en master de recherche, des doctorants et post-doctorants, et aussi des étudiants en master professionnel, dont la formation est plus appliquée aux besoins de recrutement des entreprises partenaires. Il y a aussi un dispositif d’accompagnement de startups…
Pourriez-vous décrire en quelques mots le sujet de votre thèse ?
Dans mon groupe de recherche, nous travaillons sur l’intelligence artificielle pour la découverte scientifique. Par exemple, des algorithmes qui vont savoir raisonner comme des humains et nous aider à formuler des théories, des formules et des lois mathématiques, à partir de données. On n'arrive pas encore à le faire actuellement, mais ça avance vite. En termes d’applications, il y a deux axes principaux : la découverte des nouveaux médicaments et des nouveaux matériaux qui pourront émettre moins de carbone pour contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique. Pour ma part, actuellement, je travaille plus spécifiquement sur l’accélération des méthodes de simulation physique. Par exemple, l’application sur votre smartphone qui vous permet de consulter la météo utilise des graphes de calcul énormes. L’objectif avec l’intelligence artificielle c’est d’être plus précis, plus rapide et si possible moins coûteux en énergie.
Quels sont, selon vous, les enjeux de l’IA pour la recherche scientifique ?
Des IA autonomes pourraient nous aider à mieux faire de la recherche, en éliminant les tâches fastidieuses ou répétitives. Mais il y a un risque existentiel pour les humains. Je suis inquiet de la capacité de calcul avancé de l’IA, qui pourrait être utilisée à des fins terroristes par exemple. Des systèmes intelligents concevant des algorithmes et choisissant leurs propres objectifs n'incluraient pas forcément la survie humaine dans leurs paramètres. AutoGPT exécute déjà des objectifs un par un. Il y a encore des limites bien sûr, mais cela va très vite. Yoshua Bengio a déclaré qu’il aurait priorisé la sécurité avant l’utilité, s’il avait pu anticiper à quelle vitesse l’intelligence artificielle évoluerait. Il y existe déjà des risques nucléaires, le risque climatique, et on est peut-être en train de créer un nouveau risque majeur. Imaginer qu’une IA à laquelle on demanderait de résoudre le réchauffement climatique le ferait en éliminant le problème principal, l’espèce humaine, sera-t-il encore longtemps de la science-fiction ?
Quel est votre projet après votre doctorat ?
Je ne sais pas encore. Ce qui m’a marqué en arrivant à MILA c’est la vie collaborative, presque communautaire. On peut discuter librement avec les chercheurs pour enrichir sa réflexion. Et puis la vie à Montréal est plus paisible qu’à Paris. Je me suis facilement intégré dans les communautés française et marocaine. Je rentrerai probablement en Europe, peut-être en Suisse.
Votre expérience à l'étranger peut-elle inspirer les étudiants actuels ?
J’ai, moi-même, rencontré des anciens de CentraleSupelec qui étaient venus à MILA et ça m’a enthousiasmé. C’est très important de partager son expérience. Je suis vraiment ravi d’avoir fait le master MVA, réputé pour être l’un des meilleurs, voire LE meilleur au monde ; ça m’a clairement ouvert la porte du doctorat au MILA. A l’ENS Paris-Saclay, on a accès à de très bons chercheurs, avec des frais d’inscription abordables, c’est une chance inestimable. Intégrer le réseau élargi des normaliens, c’est évidemment très intéressant pour mon parcours professionnel de chercheur.
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