La carrière de Sylvain Allano (promotion 1976, physique appliquée), est aussi exceptionnelle que singulière, faite de trajectoires parallèles entre recherche, innovation et industrie, qui convergent aujourd’hui dans un projet futuriste. Inclassable et inlassable, Sylvain Allano est aujourd’hui l’heureux directeur scientifique de FLYING WHALES, société spécialisée dans la conception, la fabrication et l’exploitation de dirigeables.
Originaire d'un milieu familial où le monde des grandes écoles était totalement inconnu, Sylvain Allano découvre l'ENSET (devenue ENS Cachan puis ENS Paris-Saclay) grâce à une affiche qui capte son regard dans le couloir de son lycée de classe préparatoire. En 1976, il est heureux d’être reçu dans la prestigieuse école d’abord parce qu’il sera rémunéré pendant ses années d’études, un critère « vital » pour lui, ensuite parce qu’il la considère comme le « Vatican de l'enseignement technique ». « Dans les années 70 une de ses missions était de contribuer à l'enseignement technique dans les pays en voie de développement », se souvient-il.
Ascenseur vers l’excellence
Sylvain Allano conserve un souvenir impérissable de ses années à Cachan. « Nous avions tout sur place : les cours, les établissements d’application et tous les services étudiants. C’est encore mieux aujourd’hui, fait-il remarquer. L'ENS Paris-Saclay est le cœur du campus de Saclay, qui allie grandes écoles, universités et industriels ». Le normalien se souvient également avec émotion du Pavillon Desjardins qui accueillait des étudiants et des enseignants internationaux, « une véritable fenêtre sur le monde ».
La formation à l’ENSET est pointue et exigeante. « 50 ans après, je conserve des réflexes acquis pendant ma formation, par exemple savoir mobiliser ma pensée en quelques minutes pour traiter oralement des sujets ardus », confie Sylvain Allano. Il se forme aussi à la pédagogie. « Nous apprenions à structurer un cours pour emporter l'adhésion de nos élèves ». Après avoir obtenu l’agrégation de physique appliquée en 1979, il se tourne vers la recherche, une voie peu fréquente pour les normaliens de sa génération. Encouragé par un de ses enseignants, Sylvain enchaine un DEA de traitement de l’information[1] puis un doctorat de 3e cycle en électronique[2]. Après avoir soutenu sa thèse en 1982 il est directement recruté comme attaché de recherche agrégé au CNRS, qu’il considère comme « la plus belle des maisons scientifiques du monde ». En parallèle, il prépare une thèse d'État en sciences physiques[3] qu’il soutient en 1987.
Naissance du manager de l’innovation
En 1988, Sylvain Allano décide de changer radicalement de vie professionnelle : il devient ingénieur brevet puis conseil en propriété industrielle, un métier pour lequel il se forme et se passionne, et qu’il exerce toujours aujourd’hui à côté de ses autres activités. En 1992, il co-fonde avec son associé Bernard Pontet le premier cabinet de propriété industrielle[4] au cœur du plateau de Saclay. « A l’époque, hormis quelques institutions de recherche et d’enseignement supérieur, il n’y avait que des champs et des fermes » se souvient-il. Surmontant des difficultés au démarrage, son cabinet se développe. Mais en réalité, Sylvain Allano n’a qu’une envie : revenir dans le monde scientifique, tout en maintenant des liens avec l’univers de la propriété intellectuelle. Nommé professeur des universités en 1989, il prend en 1994 la direction de la section de génie électrique de l’ENS Paris-Saclay puis en 2000 celle du LESIR, laboratoire de recherche couplé au département EEA, avec pour mission de le redynamiser et de confirmer son association au CNRS. Il décide d’abord de le rebaptiser : de « LESIR » en « SATIE », en référence au compositeur Erik Satie, une source d’inspiration pour lui. Puis, en 2006, le Sylvain Allano est nommé directeur scientifique adjoint au CNRS[5], un poste très opérationnel qui le fait voyager partout en France et dans le monde et lui permet de participer à la structuration de l’organisme de recherche en instituts.
L'aventure PSA
En 2010, Sylvain Allano vit « une des plus grosses ruptures sociologiques » de sa vie. Il devient le directeur scientifique et technologies futures du Groupe PSA (devenu STELLANTIS). Philippe Varin, son PDG, lui donne carte blanche pour restructurer la recherche avancée de ce groupe industriel français emblématique, créé à la fin du 18e siècle et encore dirigé à l’époque par la famille Peugeot. Sylvain Allano s’attache à construire de solides ponts entre les universités, les grandes écoles et le groupe, signant jusqu’à 90 contrats doctoraux, créant plusieurs chaires scientifiques dont deux sur le plateau de Saclay l’une, la chaire « André Citroën » avec l’École Polytechnique, l’autre, la chaire « Armand Peugeot » avec Centrale Supelec. Il est nommé rapidement cadre dirigeant du Groupe et Senior Vice-Président Science. Il crée aussi deux cellules d’innovation en Suisse et à Singapour, ainsi qu’une quinzaine d’Open Labs, implantés en France et dans le monde entier. Durant cette période, il préside les Conseils d'administration de l'université de technologie de Belfort Montbéliard (UTBM) et de l’INSA Centre Val de Loire. L’arrivée d’un nouveau président de PSA sonne le glas de l’aventure.
FLYING WHALES, transporter autrement
En 2017 Sylvain Allano devient le directeur scientifique de FLYING WHALES une société de conception, production et exploitation de dirigeables-cargo, fondée par Sébastien Bougon mais qu’il avait inspirée en créant en 2004 avec Hervé Kuhlmann le réseau DIRISOFT de recherche sur les dirigeables. « Toutes mes expériences passées convergent aujourd’hui vers ce projet qui combine la recherche, l’innovation et l'industrie » se réjouit Sylvain qui en est le directeur scientifique. Sa passion pour les dirigeables a pris sa source en Guyane, lors d’une mission initiée par l’ENS Paris-Saclay. Sur place, il est frappé par l'enclavement des populations locales et leurs difficultés à se déplacer. A cette époque, le botaniste Francis Hallé et son équipe opéraient en Guyane le Radeau des cimes, un dirigeable doté d’une structure gonflable d’exploration de la canopée. Sylvain Allano imagine alors le développement d’une compagnie de dirigeables qui permettraient aux populations enclavées d’accéder aux ressources de la zone littorale. « FLYING WHALES a vocation à déverrouiller les sites où il n’y a ni fleuve, ni ligne ferroviaire, ni route. Ça peut être en pleine forêt ou dans le désert. On a ainsi identifié plusieurs centaines de sites dans le monde, précise-t-il. La première ligne d’assemblage des dirigeables de FLYING WHALES devrait être lancée d’ici quelques mois sur le site de Laruscade près de Bordeaux ».
Pour Sylvain Allano, si ces dirigeables transporteront dans les prochaines années uniquement des charges essentiellement pour des raisons de certification, il rêve tout haut qu’ils transportent aussi un jour des passagers. « En plus, ces grands dirigeables seront nos futurs vecteurs d'information et d’énergie, dans ce que j'appelle l’Alternet ou après-Internet. Ils ouvrent l’ère de nouvelles civilisations de l'information. Vous verrez, conclut-il, d'ici vingt ans, nous nous émerveillerons de les voir circuler dans le ciel ! »
[1] A l’Institut national des sciences et techniques nucléaires (INSTN)sur le site du CEA de Saclay
[2] A l'Université de Paris-Sud
[3] A l'Université Pierre et Marie Curie
[5] En charge de la section 8, photonique, optique électronique, énergie électrique, auprès de Pierre Guillon, directeur scientifique de l’Institut d’ingénierie

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