Après sa formation au département mécanique de l’ENS Paris-Saclay et son doctorat à Polytechnique, Filippo Agnelli a posé ses valises à Montréal, et plus précisément à McGill pour un postdoc de deux ans.
Quel est ton sujet de recherche ?
Je suis à McGill depuis un an dans l'équipe du prof. Pasini. En collaboration avec la société Autodesk, je travaille sur le développement d’algorithmes de conception générative qui visent à apporter de nouvelles fonctionnalités à des logiciels de CAO (Conception assistée par ordinateur) et de FAO (Fabrication assistée par ordinateur). La conception générative est une procédure utilisant l'IA (Intelligence Artificielle) qui permet de dessiner automatiquement les formes et contours des objets de structures sur la base des informations obtenues par des simulations numériques reflétant le cahier des charges du problème. À terme, je pense que ces nouvelles méthodes simplifieront la conception de structures, et stimuleront l’innovation dans plein de domaines de la mécanique, parce qu'elles permettent notamment de réduire les d’itérations entre les équipes pendant la mise en place de prototypes.
Comment es-tu arrivé à Montréal ?
A partir de la 3e année de thèse, j'ai commencé à me poser des questions sur ce que je voulais réaliser à la fin de mon doctorat. Et, tout d'abord, j’ai été inspiré par la lecture du livre de l'autre côté du miroir d’Aurélie Jean, également mécanicienne et alumni de l'ENS Paris-Saclay. Son parcours illustré à travers ce livre m’a beaucoup inspiré et donné envie de faire un post-doct et de chercher quelque chose sur un autre continent, donc en l'occurrence ici l’Amérique du Nord. En faisant des recherches sur les laboratoires de mécanique qui correspondaient à mon profil, je suis tombé sur l’équipe de recherche du prof. Pasini à l’Université McGill. Nous avons établi un contact qui a abouti sur un entretien et au moment de déterminer le projet qui allait être mené pendant ce postdoc, McGill et Autodesk venaient d’établir une collaboration et mon profil correspondait exactement aux exigences du projet.
Ton contrat est prévu pour deux ans. Penses-tu avoir déjà des résultats suffisants aussi rapidement ?
Sur le sujet que l'on étudie, il est inconcevable d'envisager une réponse définitive en deux ans. Toutefois, on espère apporter des résultats préliminaires qui permettront de faire avancer les recherches et poursuivre le projet à plus long terme. A ce stade, je me vois continuer ces activités de recherche même après de ce post doc. Il peut y avoir d’autres pistes de collaboration ici ou outre-atlantique. Autodesk est une multinationale avec 12000 employés et des collaborations partout dans le monde. Aujourd’hui je travaille avec des collaborateurs qui se trouvent en Angleterre, aux États-Unis, à Singapour… c’est un projet qui est essentiellement sur ordinateur et permet cette flexibilité. Aujourd’hui je suis à Montréal mais demain, je n’aurai pas forcément de contraintes à rester au Canada pour continuer.
Comment se passe la recherche au Québec dans une université anglophone ?
La barrière de la langue n’a pas été un problème pour moi. J’étais déjà habitué à mener des recherches en anglais pendant ma thèse. En revanche ce qui représente un gros changement c'est la manière dont est gérée la recherche en Amérique du Nord ou du moins à McGill. En France, la recherche académique s’organise autour du laboratoire qui regroupe des professeurs qui ont leur équipe. Ça permet le partage des outils et des ressources au sein du laboratoire, et favorise à mon sens les collaborations entre les professeurs d’une même unité. En Amérique du Nord, l'organisation est articulée autour du professeur principal investigator. J’ai trouvé qu’il était plus difficile d'échanger, voire de collaborer avec d’autres équipes de recherche.
La vie est-elle plaisante à Montréal ?
La ville de Montréal offre un cadre de vie exceptionnel objectivement, en dépit du climat rude en hiver. C'est une ville très stimulante et qui offre beaucoup d’opportunités de travail et dans la vie. Peut-être, pour nuancer mon propos, il faut être prêt à traverser les procédures administratives pour venir ici. La demande de permis de travail n’est pas évidente, ou du moins elle ne l’a pas été pour moi. Il faut garder en tête que changer de continent est une charge qui est ensuite récompensée par ce que l’on vit ici mais il faut être prêt à franchir le cap.
As-tu rencontré des anciens de l’ENS ou de Polytechnique ici ?
Avant d’arriver, je savais que deux normaliens de mon année étaient ici. J'avais aussi connaissance d’un ex-doctorant de mon laboratoire de thèse à Polytechnique qui est venu à Montréal pour effectuer un post doc également avant moi. En sortie de pandémie, c'était plus rassurant de connaître quelqu’un avant d’arriver sur un nouveau continent. Cela a compté dans ma décision de venir à Montréal.
Que penses-tu de l’idée de développer le réseau des anciens de l’ENS Paris-Saclay ?
Je pense que c'est une bonne idée. C'est bien de conserver un lien entre alumni et je pense que ça peut aider à construire des nouvelles carrières en dehors des chemins battus, comme celui d’Aurélie Jean par exemple. Je pourrais m’impliquer dans la structuration d’un réseau normalien, dans l’organisation d’événements en présentiel ou virtuels. Je n’ai pas d’expérience sur le sujet, mais dans d'autres domaines j'ai pu participer à des rencontres de réseautage.
Quel souvenir as-tu de l’ENS Paris-Saclay ?
J’ai un bon souvenir de l'ENS. Ce que l'école m'a apporté, c'est avant tout une très bonne formation en tant que chercheur en génie mécanique et ensuite, grâce aux professeurs, une passion pour la recherche dans le domaine de la mécanique des structures et des matériaux. Ce n’est pas forcément ce que j'imaginais avant d'arriver à l'école, parce que j'étais vraiment passionné par le secteur des transports, et en particulier par le secteur ferroviaire. Mais en arrivant à l’ENS, et surtout au cours du Master 2 Magis (Mécanique des matériaux pour l'ingénierie et l'intégrité des structures) j’ai été vraiment touché par les efforts et la passion des enseignants : c'est ce qui m'a vraiment donné envie d'entreprendre une thèse et ensuite une carrière de chercheur dans ce secteur.
Où te vois-tu dans 10 ans ?
Je ferai de la recherche dans un domaine qui m'intéresse et dans lequel j'arrive à avoir une application à l'horizon de 5 à 10 ans. Je ne veux pas travailler sur quelque chose de trop abstrait. Je suis très curieux et j'ai toujours besoin de satisfaire cette curiosité en comprenant de nouveaux concepts et de nouvelles idées.
Commentaires0
Veuillez vous connecter pour lire ou ajouter un commentaire
Articles suggérés