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Témoignages

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17/05/2024

Interview de Raphaël Lasseri, normalien et docteur en physique, fondateur de Magic-Lemp


Comment votre parcours à l’ENS Paris-Saclay vous a-t-il préparé à créer votre propre start-up dans le domaine de l'intelligence artificielle ?          

Ma formation à l'ENS Paris-Saclay a été fondamentale dans mon parcours. Elle m'a fourni une solide formation en sciences, et elle m'a aussi enseigné l'importance de l'interdisciplinarité, essentielle dans le domaine de l'IA. La capacité de combiner des connaissances techniques avec une compréhension des enjeux sociétaux et éthiques m'a préparé à entreprendre dans l'intelligence artificielle, avec un focus particulier sur les applications qui peuvent renforcer notre tissu démocratique et toujours une conscience de l'intérêt général. L'ENS est également un vivier d'idées, de talents, d'associations (je pense au Cr@ns notamment) qui m'ont permis d'apprendre beaucoup humainement, techniquement, et même administrativement. Enfin, c'est également sur les bancs de l'École que j'ai rencontré ceux qui plus tard ont été les premiers à participer à l'aventure Magic LEMP.    

                      
Pouvez-vous nous parler de Magic LEMP ?        
     

Magic LEMP est le fruit d'une vision différente du rôle de chercheur. Nous avons aujourd'hui deux axes principaux de développement. D'une part, accompagner les entreprises en proposant des solutions d'IA sur mesure, en les accompagnant aussi bien techniquement que stratégiquement pour faire les bons choix et les bons usages. Notre différence très "normalienne" : l'excellence scientifique dans la conception et le développement de solutions, ainsi qu'un accent fort mis sur la formation et la vulgarisation des solutions auprès des utilisateurs. D'autre part, notre second créneau est de développer des briques technologiques d'IA pour mieux représenter, mieux comprendre des données hétérogènes, multimodales permettant de simplifier et de mieux représenter des systèmes et enjeux complexes.    


Quels sont les défis auxquels vous avez été confronté en développant une entreprise axée sur l'intelligence artificielle ?        
                

Les principaux défis résident dans le maintien d'un équilibre entre innovation technologique et respect des valeurs démocratiques. Il s'agit notamment de garantir la transparence, la protection de la vie privée, et l'équité de nos solutions. De plus, il est crucial de travailler en étroite collaboration avec les institutions pour s'assurer que nos outils répondent véritablement aux besoins des citoyens et renforcent le lien de confiance entre eux et les institutions, y compris dans les domaines de la sécurité ou de la défense où la frontière est toujours mince. Concrètement, l'un des principaux défis est de s'assurer que l'IA est utilisée de manière éthique et responsable, en respectant les valeurs démocratiques telles que la transparence, l'équité et la protection de la vie privée. Il peut être difficile de concilier ces valeurs avec les exigences techniques et pratiques de l'IA, ainsi qu'avec les attentes des parties prenantes.    

                 

Un autre défi majeur est de garantir que l'IA est accessible et compréhensible pour tous les citoyens, indépendamment de leur niveau de connaissances techniques. Cela nécessite de concevoir des interfaces conviviales et intuitives, et de fournir une documentation claire et complète. Il est important de sensibiliser les citoyens aux avantages et aux limites de l'IA, afin qu'ils puissent prendre des décisions éclairées sur son utilisation.    

                       

Enfin, le développement d'une entreprise axée sur l'IA dans le contexte démocratique nécessite de travailler en étroite collaboration avec les institutions publiques et les parties prenantes. Cela peut être un défi, car les processus décisionnels dans le secteur public peuvent être lents et complexes, et il peut être difficile de convaincre les décideurs de l'utilité et de la pertinence de l'IA.             


Pensez-vous que votre start-up a déjà un impact positif sur les processus démocratiques ?             

Oui, Magic LEMP a eu un impact positif significatif sur les processus démocratiques. On peut par exemple citer notre collaboration avec la région Île-de-France. Nous avons développé une version IA de l'application "Ma Région, ma Commune", qui utilise des approches d'IA et d'IA génératives pour faciliter l'accès et la compréhension aux textes et décisions publiques, souvent rédigés de manières complexes et peu adaptés au grand public. Grâce à cette application, les citoyens peuvent suivre les projets et les initiatives de la région en temps réel, participer à des consultations publiques et donner leur avis sur les politiques régionales. Mais ce n'est pas tout : nous avons également intégré un outil de quantification de l'impact et des retombées des politiques publiques, permettant ainsi de piloter intelligemment et avec une vision "data-centered" les prises de décisions. En rendant l'information plus accessible et en facilitant la participation citoyenne, nous avons contribué à renforcer la transparence et la responsabilité des institutions régionales. Les citoyens peuvent maintenant mieux comprendre les enjeux régionaux et participer activement à la vie démocratique de leur région. Et ce n'est que le début : notre objectif est de passer à l'échelle nationale et de rendre l'information publique accessible à tous les citoyens français.    

                       

Un autre exemple marquant de notre impact positif sur les processus démocratiques est notre plateforme Pluralisme.fr. En offrant un suivi en temps réel du temps de parole des politiques et de l'ensemble des prises de positions politiques, nous contribuons à promouvoir le pluralisme et la diversité des voix dans le débat public. Nous aidons également les citoyens à mieux comprendre les enjeux politiques et à prendre des décisions éclairées lors des élections.    

                       

Enfin, en luttant contre la désinformation, les fake news et les deep-fake, nous contribuons à renforcer la confiance des citoyens dans les institutions démocratiques. Nous sommes convaincus que notre travail peut aider à renforcer la démocratie et à encourager une participation citoyenne plus active et éclairée.    

                                        

Comment envisagez-vous l'évolution de votre entreprise à l'avenir ?                      

Nous avons entre autres pour objectif de continuer à développer des solutions d'IA innovantes et utiles pour renforcer les processus démocratiques. Nous souhaitons également poursuivre notre collaboration avec les institutions publiques et les entreprises pour promouvoir une utilisation responsable et éthique de l'IA. Nous sommes en effet convaincus que l'IA peut jouer un rôle important dans la promotion de la transparence, de la responsabilité et de la participation citoyenne, en particulier dans des temps aussi incertains pour nos démocraties. Il faut investir l'espace informationnel et lutter avec tous les outils à disposition pour préserver nos valeurs démocratiques. En particulier, nous prévoyons ainsi de développer des outils d'IA pour faciliter l'accès à l'information publique, encourager la participation citoyenne et améliorer la prise de décision démocratique. Nous souhaitons également explorer de nouveaux domaines d'application de l'IA dans le contexte démocratique, tels que la lutte contre la désinformation et la promotion de la diversité des voix dans le débat public.    

        

Quel serait, selon vous, le rôle des grandes entreprises dans l'utilisation responsable de l'intelligence artificielle pour renforcer la démocratie ?                 

Nous pensons qu'ils ont un rôle clé à jouer. Comme évoqué précédemment, les grandes entreprises ont la responsabilité de développer et d'utiliser l'IA de manière éthique et responsable, en prenant en compte les enjeux sociaux et éthiques. Cependant, il ne faut pas brider l'innovation et la recherche ! Certes, c'est un exercice d'équilibriste, mais la version actuelle de textes comme l'AI Act sont non seulement peu adaptés mais peuvent présenter un réel risque pour entraver l'innovation de nos entreprises tout en favorisant la croissance de nos compétiteurs étrangers, qui pour beaucoup ne partagent pas notre éthique ou notre respect des démocraties !    

                              

 Avez-vous un message pour les autres jeunes entrepreneurs innovants ?               

Je leur dirais ceci : soyez audacieux, créatifs et persévérants. N'ayez pas peur de prendre des risques et d'explorer de nouveaux domaines d'application de la technologie. Mais surtout, ne vous reniez pas ! Pour les anciens élèves de l'ENS, n'hésitez pas à assumer votre héritage intellectuel, votre identité de chercheurs, nul besoin de se plier aux codes des start-ups traditionnelles et de manier avec perfection le business-plan, le pitch et le deck pour réussir et pour réussir à votre juste mesure.    

                     

 Enfin, engagez-vous ! Pas nécessairement politiquement, mais en tant que citoyens, vous pouvez en entreprenant devenir des acteurs et façonner concrètement le futur de nos démocraties, et à l'heure actuelle, il est urgent de répondre à cet appel.    

 

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