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L’art de donner du sens à la donnée

Témoignages

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25/04/2025

Éléonore Crespo (Physique, 2008) est la co-fondatrice et co-CEO de Pigment, une startup qui développe une solution logicielle innovante de gestion des données pour les entreprises. Elle devient en 2024 la troisième dirigeante d’une licorne française après avoir été la première femme à entrer au Next40 en 2023[1]. Portrait d’une alumna dont la réussite exceptionnelle n'a pas altéré son esprit d'entreprendre, sa soif de connaissance et son ancrage dans des valeurs authentiques.

Pour cette grande curieuse qui grandit dans une famille d’enseignants et de médecins, intégrer l'ENS Paris-Saclay après ses classes préparatoires était une « évidence, pour garder ouvert le champ de tous les possibles ». « Quelle chance d’avoir côtoyé à 18 ans des personnalités scientifiques emblématiques comme des Prix Nobel » se souvient avec enthousiasme Éléonore Crespo.


Une expérience fondatrice 

 « A l’ENS Paris-Saclay, je me suis vite rendue compte que les savoirs évoluent constamment », affirme la normalienne qui applique toujours la méthode scientifique qu’elle y a acquise : « la collecte et l’analyse des données font partie de mon quotidien. Ils me servent à décrypter les perspectives révolutionnaires de l’intelligence artificielle ». Au-delà de la formation intellectuelle stimulante, l'École a été également pour Éléonore un terreau fertile d’amitiés pérennes. « Je me suis fait une bande d'amis incroyable qui ont aujourd’hui des parcours très divers »

En 2010, la normalienne choisit de poursuivre son parcours en Master à l’École des Mines. « Autant l’ENS m’a apporté un socle de connaissances théoriques, une capacité et une façon de travailler dans la recherche de l'excellence, autant aux Mines, j’ai bénéficié d’une formation pragmatique, tournée vers le management et l’entreprise ». Elle souligne l'apport complémentaire de ses deux formations. « La capacité à identifier et à exploiter les données pertinentes, une compétence fondamentale cultivée à l'École Normale Supérieure, s'avère essentielle dans la prise de décision. A l’École des Mines, j’ai appris à appréhender concrètement les enjeux et les problématiques du secteur privé » analyse-t-elle. 


Vers la liberté d’entreprendre

« J'ai toujours eu envie de tracer mon propre chemin, confie Éléonore. Sa soif de liberté la conduit à contacter Romain Niccoli, co-fondateur de Criteo, dont le succès de son introduction en bourse représente « un véritable accélérateur de projet ». « Ensemble, nous avons réfléchi pendant près d’un an, sans aucune autre contrainte que de le définir », se souvient-elle. Différentes idées ont en effet germé dans la tête d’Éléonore au fil de ses expériences dans les entreprises où elle est passée, petites ou grandes, nationales ou internationales, comme Google et JCDecaux. Elle dresse pour chacune un argumentaire solidement documenté, une démarche exploratoire acquise à l’ENS, volontiers assimilée à celle de la recherche, « excepté que son application vient plus rapidement, ce qui correspond beaucoup plus à mon tempérament ! ». 

 

Une ascension fulgurante

Après l’étape de validation du concept, Éléonore Crespo et Romain Niccoli co-fondent en 2021 Pigment, un nom inspiré de l’art pictural qu’affectionne particulièrement Éléonore. « Comme un tableau composé de multiples pigments qui prennent tout leur sens lorsqu’on découvre une œuvre de loin, Pigment rassemble les données brutes de l'entreprise pour en révéler une vision claire ». Un outil de pilotage stratégique qui permet à la startup de rencontrer rapidement du succès auprès de clients divers, grandes banques françaises ou sociétés technologiques de renom aux États-Unis, y compris des entreprises du Fortune 500. En avril 2024, Pigment lève 145 millions d’euros et entre dans le cercle restreint des « licornes » françaises, employant aujourd’hui 500 employés. 

Plus récemment, Pigment a étendu ses activités au secteur public en France, collaborant avec la SNCF et les villes de Lyon et Marseille. « On commence des collaborations qui ont un impact sociétal important », se félicite Éléonore. Elle s’engage elle-même à limiter son impact environnemental. « Pour une entreprise comme la nôtre, les voyages en avion représentent l'un des postes où une marge de manœuvre significative existe, détaille-t-elle. Nous avons donc instauré une politique interne très stricte visant à limiter au maximum les déplacements et à privilégier les visios, que ce soit pour les réunions de direction ou celles avec les clients ». Elle sensibilise également ses clients aux enjeux environnementaux, un rôle qu'elle considère essentiel pour les entreprises. « Aujourd’hui, grâce à l’IA, Pigment continue non seulement de révolutionner la manière dont les gens travaillent en entreprise mais s’étend aujourd’hui aussi à tous les secteurs professionnels qu’elle couvre : services, finance, supplychain, environnement ».

 

Une montée en puissance de l’innovation en Europe

Malgré le contexte géopolitique, l’entreprise poursuit son développement aux États-Unis mais aussi en Europe. « Cela me parait déterminant que l’Europe conserve une place importante dans la course à l’IA, tout en s’assurant de sa souveraineté, plaide Éléonore. De ce point de vue, nous avons besoin d'étudiants qui se lancent dans l’innovation ». Est-ce le rôle des normaliens ? « Oui, entre autres. La formation de l'ENS Paris-Saclay est l’une des meilleures au monde, ses étudiants ont tous les talents pour se lancer, aucun doute là-dessus, affirme-t-elle. Si on veut créer une entreprise, il faut être curieux de tous les champs qu'on ne connaît pas, quitte à se former pendant ou après ses études. Il faut se lancer ! Rien n'est insurmontable !» L’entrepreuneuse peut aussi compter sur sa grande capacité de travail. « Chez Pigment, outre l’innovation, je travaille sur une multitude de sujets. Ce n’est pas facile d'apprendre en même temps qu'on construit, concède-t-elle. 


Depuis 2024, Éléonore fait partie du classement Choiseul qui identifie les dirigeants économiques français de moins de quarante ans les plus prometteurs. Tout en reconnaissant l'ampleur du chemin parcouru en si peu de temps, elle préfère qu’on cite l’exemple de son « parcours » plutôt que de sa « réussite » aux futurs normaliens. « Il existe une multitude de trajectoires possibles, la mienne en est une parmi d'autres », conclut-t-elle.


[1] label créé en 2019 par le gouvernement pour soutenir 40 jeunes entreprises françaises susceptibles de devenir des leaders technologiques.

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